Voici ma petite contribution à l’Intant Psychomot de cette semaine :
Il y a eu ces sanglots lâchés, le temps d’un trajet en ascenseur après une dure séance d’accompagnement de soins, sur ma peine et mon impuissance auprès de cette dame que je suivais depuis des mois, en train de mourir dans l’angoisse et la douleur.
Il y a eu ces colères, rentrées ou exprimées, sur des chiffres absurdes dans des tableaux, distribuant 0,04 Equivalent Temps Plein de psychomotricité ici, 0,1 là, accompagnées de l’envie d’ajouter une ligne « baguette magique » dans la commande du prochain plan Equipement.
Ces fatigues, frustrations et sentiments d’être débordée, au gré des prescriptions médicales, absences de collègues, masse de patients dont on sait qu’ils ont besoin de temps, de réflexion clinique et de coordination entre professionnels qu’on ne peut pas donner, et pour lesquels il faut établir un ordre d’urgence et de priorité. Ou à l’inverse, plus rare mais tout aussi piquant, ce désœuvrement crasse, quand au gré des roulements d’internes, turn-over de médecins et moments de tension, la machine hospitalière oublie notre existence. Ces solitudes, ces timidités, face aux ignorances sur notre métier de la part des autres professionnels de santé, ces lassitudes de devoir sans cesse répéter, ces batailles auprès de la hierarchie pour maintenir certaines activités, ces contorsions temporelles et spatiales, ce jonglage mental que seul un soignant affecté à une dizaine de services sur trois établissements a à faire pour être là, quand même.
Il y a eu des dizaines de situations éprouvantes, stressantes, inédites ; ces émotions épidermiques ou plus profondes et insidieuses, ces malaises parfois, face aux odeurs prenantes, visions de corps abîmés, cris et plaintes, efforts physiques à fournir ; face à l’agitation, la colère, l’agressivité, l’impossibilité de communiquer par les moyens habituels, et à la détresse qui semble parfois sans fond.
Et des journées de doute, de remises en question, de sentiment de ne pas savoir, ne pas pouvoir, d’être insuffisante.
Mais tout le reste aussi, qui fait qu’après un mois de pause d’exercice clinique, je vais y retourner.