Cocotte-minute, princesse et oubli

Punchlines et pensée existentielle du jour à l’EHPAD :

  • Fin de séance de reprise de bains de paraffine des mains à visée antalgique avec Mme Hérisson.
Ceci est une cuve pour bain de paraffine
(Physiothérapie.com)

« – Oui, c’est vrai que c’est pas mal, votre cocotte-minute, là. »

J’éclate de rire et me lève pour aller replacer le chariot portant la cuve à l’entrée de la chambre.

« – Faites bien attention à votre friteuse ! On sait jamais, vous pourriez peut-être faire des meilleures frites que la cuisine avec… »

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Pratique photographique et psychomotricité

Dans mon élément

Avec la miniaturisation et la simplification des outils de prise de vue, et surtout l’intégration des technologies photographiques numériques à nos smartphones, avec l’explosion du recours à l’image dans nos moyens de communication connectés, prendre une photo est devenu un geste absolument banal. Mais pour moi, photographier avec un smartphone est étrange et terriblement frustrant, et traiter des photos issues de mon i-Phone me donne l’impression de saupoudrer des vermicelles de chocolat sur de la purée de navet.

LA PHOTO ET MOI

Pourquoi ? Parce que ce n’est pas ma pratique de la photo, celle que je me suis appropriée et qui prend sens pour moi. Elle évolue depuis une grosse quinzaine d’années maintenant. J’ai une analyse là-dessus : peut-être que les multiples lentilles, miroirs, prismes et écran qu’on trouve dans un appareil photo ont servi de médiateurs entre moi et ma personne, et moi et ce qui composait ma vie, à une époque où je n’avais envie d’habiter ni l’un ni l’autre. Et puis, un art qui nécessite des connaissances techniques et scientifiques, quand on veut approfondir certains de ces aspects et, vous allez le voir, une certaine maîtrise psychomotrice…. ça me va bien. L’année où j’ai passé le concours d’entrée en Institut de Formation en Psychomotricité, je candidatais aussi pour un BTS Photo.

En devenant psychomotricienne, j’étais loin de m’imaginer que je trouverais autant de liens entre la pratique photographique et la psychomotricité !

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Apprivoisement

11/04/2022

« – Maman va chasser des bananes, et elle revient ! »

Voilà ce que j’ai dit au chat et à mon conjoint qui le tenait dans ses bras, sur le pas de la porte.

Il était désolé de ne pouvoir m’accompagner. Isolement sur test antigénique covid-19 encore positif, malgré une rapide décroissance de ses symptômes survenus il y avait six jours.

Il avait envie de bananes et de biscuits au chocolat. Soit.

Il me fallait de toute façon une mission de cette capitale importance pour me secouer de ma torpeur de fin de semaine.

La fraîcheur de l’air et de la poussée ferme du vent dans mon dos m’ont rappelé avec délice à la réalité des éléments. Comme tous les matins, j’ai longé les grilles du parc. La grande cheminée de métal fumant a glissé sur le ciel et ses derniers pastels luminescents.

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Menuisières négociations

« – Mais tu aurais dû me dire, on aurait ajouté la rallonge de levier ! »

Il me sort un tube en métal et l’enfile sur la poignée de la machine à faire des trous carrés -autrement appelée mortaiseuse- que nous avons utilisée la veille pour façonner les points d’assemblage de mon valet. Effectivement, cette astucieuse application de ces vieilles histoires de mécanique des solides m’aurait sans doute épargné quelques courbatures au bras et pectoraux droits, que je venais de lui annoncer.

« – C’est le métier qui rentre ! Quand tu as appris tout ça il a bien fallu que les muscles se fassent, que tu prennes des forces ?
– Bôh, tu sais, dès tout petit j’allais au champ avec mon père, la charrue, tout ça. Et puis le bricolage est vite venu, vers mes douze ans ma mère me donnait trois heures l’après-midi de temps en temps pour aller chercher du cuivre pour que je fasse l’électricité dans le village. C’était comme ça et c’était pas plus mal ! »

J’avise ses presque quatre-vingt-dix ans, son mètre cinquante-cinq au sommet du béret, ses immenses paluches, son fier sourire et son regard presque étonné par ma question.
C’est mon grand-père.

Derrière lui, l’atelier, aux grandes et lourdes portes violettes, rempli de machines et d’outils. Chacun a son histoire. Cette fraiseuse, au socle datant du XIXe siècle, s’est vue dotée d’un contre-poids pour la mobiliser plus aisément, cette scie à ruban s’est vue augmentée de tout un système à rail et cylindres pour pouvoir découper seul des planches de plusieurs mètres, cette équerre lui a été donnée par un étudiant du lycée technologique, et là derrière, tu sais ! J’avais ma pièce avec mes machines à clés, le soir je redescendais et j’en fabriquais une petite centaine, c’était rapide avec mes bricolages… enfin je t’embête peut-être avec mes histoires, hein…
Jamais il ne m’embête avec ses histoires. J’ai parfois du mal à tout comprendre parce qu’il s’adresse à moi comme si j’avais le vocabulaire et que je maîtrisais menuiserie, mécanique, électricité et compagnie. Mais je ne me lasse pas de ses récits généreux, nappés de sa gourmande passion et de son sens du suspense et de l’humour. Alors pour ne pas l’interrompre trop souvent, je m’appuie sur mes souvenirs d’études de physique, ses explications parfois théatrâles, mon imagination, etmes neurones courent après les siens pour le suivre dans ses aventures technologiques et artisanales.
Dans ses pas, le Professeur Tournesol et Géo Touvetout auraient sans doute aussi quelques sprints à piquer.

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Le jour où…

Voici ma petite contribution à l’Intant Psychomot de cette semaine :

Il y a eu ces sanglots lâchés, le temps d’un trajet en ascenseur après une dure séance d’accompagnement de soins, sur ma peine et mon impuissance auprès de cette dame que je suivais depuis des mois, en train de mourir dans l’angoisse et la douleur.

Il y a eu ces colères, rentrées ou exprimées, sur des chiffres absurdes dans des tableaux, distribuant 0,04 Equivalent Temps Plein de psychomotricité ici, 0,1 là, accompagnées de l’envie d’ajouter une ligne « baguette magique » dans la commande du prochain plan Equipement.

Ces fatigues, frustrations et sentiments d’être débordée, au gré des prescriptions médicales, absences de collègues, masse de patients dont on sait qu’ils ont besoin de temps, de réflexion clinique et de coordination entre professionnels qu’on ne peut pas donner, et pour lesquels il faut établir un ordre d’urgence et de priorité. Ou à l’inverse, plus rare mais tout aussi piquant, ce désœuvrement crasse, quand au gré des roulements d’internes, turn-over de médecins et moments de tension, la machine hospitalière oublie notre existence. Ces solitudes, ces timidités, face aux ignorances sur notre métier de la part des autres professionnels de santé, ces lassitudes de devoir sans cesse répéter, ces batailles auprès de la hierarchie pour maintenir certaines activités, ces contorsions temporelles et spatiales, ce jonglage mental que seul un soignant affecté à une dizaine de services sur trois établissements a à faire pour être là, quand même.

Il y a eu des dizaines de situations éprouvantes, stressantes, inédites ; ces émotions épidermiques ou plus profondes et insidieuses, ces malaises parfois, face aux odeurs prenantes, visions de corps abîmés, cris et plaintes, efforts physiques à fournir ; face à l’agitation, la colère, l’agressivité, l’impossibilité de communiquer par les moyens habituels, et à la détresse qui semble parfois sans fond.

Et des journées de doute, de remises en question, de sentiment de ne pas savoir, ne pas pouvoir, d’être insuffisante.

Mais tout le reste aussi, qui fait qu’après un mois de pause d’exercice clinique, je vais y retourner.

Des arcs-en-ciel

C’était l’arc-en-ciel de mercredi matin vers 8h, en allant prendre officiellement mon nouveau poste de psychomotricienne formatrice-référente d’année, dans cette ville qui me rapproche de mes racines.

Un pont entre le ciel lointain auquel j’ai beaucoup rêvé enfant -un ciel ami aux étoiles immuables qui épinglent les secrets de la marche du monde à l’espace- et le sol où mes pieds avancent.

Mon deuxième en quelques jours : les conditions climatiques et les lois de l’optique ont aussi oeuvré il y a une semaine. À quelques kilomètres de notre nouveau point du chute, l’arche s’est déployée au dessus de la route sur laquelle nous tracions à bord d’un gros fourgon contenant tout mon ancien appartement.

Il y a quelques temps, on m’avait demandé si mon surnom, « Petit Bourgeon », était encore bien adapté à mon expérience de psychomotricienne qui, sans être bien avancée, n’est certes plus celle d’une jeune diplômée.

Il faut croire que même si c’est effrayant, la nouveauté où j’ai tout apprendre m’attire. Et à défaut de savoir si je vais encore pousser un peu parmi de vieilles branches (je devrais me décider sur mon poste clinique dans quelques jours), je commence tant bien que mal à accompagner d’autres petits bourgeons dans leur éclosion. Enfin, « commence » : pas tout à fait, mon rôle de tutrice de stage et de mémoire m’a déjà fait goûter à ce genre de mission. Mais là… donner cours, organiser une année de formation et faire lien avec les intervenants ; organiser des évaluations ; suivre pédagogiquement la progression des étudiants ; s’y retrouver dans la masse de documents, process et protocoles, référentiels, règles, outils ; participer aux réflexions internes et transversales, aux évolutions et à la vie de l’institut de formation, et j’en oublie… c’est un autre métier.

Il y a encore peu, je ne m’en sentais pas capable.

Heureusement, je patauge sans trop de panique, ma confiance renflouée par les doux mots des anciens collègues, grâce aux belles rencontres avec les nouveaux (le blog m’y a aidée… j’étais un peu connue avant d’arriver !).

Et aux arcs-en-ciel.

Que va devenir le blog ?

Et mon projet de livre ?

Les réponses, peut-être, sous un autre arc-en-ciel.

Miroir


2010

Sur Instagram existe une belle initiative portée par des psychomotriciennes : l’instant psychomot. L’une de ses déclinaisons propose de publier une photo, un texte, une vidéo… sur un thème donné, à l’affiche pendant une semaine.
J’ai été inspirée par le dernier d’entre eux, voici ma contribution.
Si vous êtes sur Instagram, n’hésitez pas à consulter le compte @instantpsychomotofficiel et les hashtags dédiés !

Miroir.
Discret dans les salles de psychomotricité que j’ai fréquentées, parcimonieusement utilisé dans mes séances. Parce que.

Sa propriété, la réflexion spéculaire, se contente de retourner la réalité lumineuse de la matière de notre corps vers notre œil. Mais face à notre reflet, les prismes réfractants du regard que nous portons sur nous même, façonnés par les avatars de notre schéma corporel et notre image du corps, nous permettent rarement d’accéder à la fidélité neutre de la surface de verre. Qui s’arrête à cette simple perception : « ce sont les formes, les volumes, les couleurs de mon corps et de ses mouvements tels que reçus par l’angle et l’amplitude embrassés par mon champ visuel » ?

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Acte manqué

Hier, en voulant sortir de mon sac ma carte de transport pour prendre le bus après quelques courses en fin de journée, je me suis aperçue que je l’avais oubliée. « Acte manqué », ai-je pensé. Ma collègue ergo, qui m’a envoyé un mot pour m’indiquer où elle la rangeait en attendant, a eu la même idée.

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La Psychomotricité en milieu hostile, 5 ans après

Pérouges, octobre 2020

Il y a quelques mois, je vous confiais ma lassitude de me sentir comme un fantôme dans certains services, dans cet article « Blues de psychomot ». Vous étiez quelques unes et uns à y avoir réagi, partageant ce vécu.

Il y a 5 ans, dans l’article intitulé « La Psychomotricité en milieu hostile », je faisais une description imagée de ce que pouvait être l’intervention en psychomotricité dans ces services hospitaliers où le temps est plus que compté, où il faut parvenir à glisser sa séance et ses transmissions dans le rythme rapide des soins et l’attention des membres de l’équipe médicale et paramédicale souvent occupés à toute autre chose. Je concluais par ces mots :

« Je doute parfois de parvenir à relever ce défi, confrontée à certains échecs selon moi imputables à cette course après le temps et au manque de lien entre l’équipe et moi, plus qu’à mon manque d’expérience. Mais certaines séances prometteuses, certaines évolutions, certains échanges et l’attention et le respect de certains médecins pour mon travail me laissent croire que les psychomotriciens ont leur place et des éléments à apporter dans ces unités. »

Dans ma vie professionnelle, l’intervention du psychomotricien en Unité de Soins de Court Séjour Gériatrique incarnait une sorte de paradigme et d’emblème des questionnements autour des spécificités de notre métier et des tensions qui peuvent exister dans sa définition, du flou nimbant les attentes du système de soin actuel envers lui, la place de ses objets d’intérêt, de son référentiel théorique et de sa technicité rarement transparente et démontrée aux yeux des autres professions de santé.

En 2021, avec plus de recul, dans quel état j’erre ?

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« Quand on n’a pas de tête… »

Février 2021

Assise à l’ordinateur pour remplir les fiches de suivi de la matinée, vendredi vers midi, j’entends l’étudiante en orthophonie qui me suit pour la journée entrer dans le bureau. Je me retourne et tends la main. Elle me remet mon ancien smartphone dont j’ai ôté la carte SIM, et qui me sert maintenant de banque de sons et de musique, de lecteur ou de chronomètre en séance (un score de 11’40 debout pour Mme Préférée, ça se mesure avec la rigueur d’un juge du livre Guiness des records !), voire de lampe torche pour récupérer dentier, lunettes ou appareil auditif dans un obscur recoin sous un lit. Cela m’évite d’emmener mon téléphone personnel dans les services. Ainsi, je ne risque pas d’être dérangée, et je suis beaucoup plus rigoureuse avec l’hygiène des objets que je mets dans mes poches susceptibles d’être utilisés en chambre.

« – Super, merci ! Il était bien chez Mme Préférée ?
– Je l’ai trouvé sur sa table de nuit. Et en haut j’ai croisé un monsieur dans son fauteuil roulant électrique… Gérard ?
– Oui, Monsieur Comique…
– … qui m’a dit de te dire que si tu commences à oublier tes affaires, ça ne va pas du tout, tu es en train de devenir comme tes patients !
– Ok, bien, je note… la prochaine fois que je vais le voir, il va en prendre pour son grade !»

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