Comment je ne suis pas devenue Messmer (partie 2) : la formation

Jura – Juillet 2021

2. « Comment se former à l’hypnose ? Existe-t-il des prérequis pour se former ? Comment as-tu vécu ta formation ? Comment convaincre un encadrement récalcitrant de nous envoyer en formation ? »

Vous êtes visiblement quelques uns à vouloir acquérir des super pouvoirs. Voici donc quelques informations qui vous permettront peut-être… de ne pas devenir Messmer 😉

Je cite le rapport de 2015 de l’Inserm sur l’évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose, disponible sur le net et que vous allez sans doute pas mal retrouver dans mes articles :

« […] la formation en hypnose est hétérogène.

Il existe des formations universitaires : 11 DU [Diplôme Universitaire], 1 DIU [Diplôme Inter Universitaire] et 1 DESU [Diplôme d’Etudes Supérieures Universitaires]

Il existe des formations associatives et des formations privées, de durée variable, réservées pour certaines aux professions médicales et/ou aux professions de santé, et ouvertes pour d’autres à un public plus large. »[10]

Les pages 13 à 16 donnent quelques détails sur l’offre de formation, les considérations éthiques liées à la pratique de l’hypnose thérapeutique et son statut, qui n’ont pas de cadre légal précis en France.

Les formations peuvent être très courtes – 2 à 3 jours, plutôt une initiation à l’hypnose via l’abord de techniques qui facilement et rapidement mises en œuvres, notamment la communication thérapeutique via des éléments d’hypnose conversationnelle – comme longues – sessions réparties sur plusieurs années -. Un « hypnoquelquechose », qu’il s’agisse d’un « hypnothérapeute » (plutôt réservé aux psychothérapeutes par l’hypnose), « hypnopraticien », « hypnologue » (plutôt réservés au professionnels pratiquant l’hypnose médicale : hypnoanalgésie et/ou hypnosédation), ou un professionnel de santé, de l’accompagnement, du coaching ou d’un autre domaine mentionnant et proposant une pratique de l’hypnose peut donc disposer de connaissances très variables. Le terme par lequel il qualifie son activité ne garantit ou ne certifie pas un niveau de compétences ou un usage déontologique.

Je me suis formée aux techniques hypnoanalgésiques chez l’adulte en 7 jours répartis sur 4 mois, via une formation organisée par mon CHU, avec l’Institut Français d’Hypnose. Celui-ci a fait le choix de ne former que des professionnels de santé, qui utiliseront l’hypnose dans le cadre de leur domaine propre. Un diplôme de santé peut donc être un prérequis selon les organismes de formation. Je n’en connais pas d’autre.

Être psychomotricien donne quelques atouts : connaître l’importance de la relation thérapeutique et de ses aspects non-verbaux, avoir l’habitude être conscient de ses propres attitudes corporelles, de sa voix, de son phrasé et de leur maniement adapté au patient, mener et pratiquer des séances de relaxation ou d’autres méthodes de conscience corporelle ainsi qu’user d’une certaine dose de créativité au service du soin ont facilité mon apprentissage. Ma pratique de l’écriture m’a bien servie aussi, car l’aisance que l’on peut prendre dans certains types de séance et la personnalisation du « script » de celles-ci pour convenir au patient et à ses besoins sont favorisées par la possession d’un vocabulaire souple et d’un entraînement à fondre son langage dans certains styles syntaxiques propres à la rhétorique hypnotique. Mais rien de cela n’est indispensable, c’est juste un petit plus, parce que ce qui fonde la relation thérapeutique en hypnose et la rend opérante, comme je l’ai dit en partie 1… c’est surtout l’empathie, l’écoute et la recherche d’un certain ajustement au patient. On peut rapidement progresser sans prédisposition particulière… en hypnose comme ailleurs, c’est en forgeant qu’on devient forgeron.

J’ai beaucoup apprécié l’enseignement que j’ai reçu, dispensé par une formatrice passionnée et chevronnée, accompagné d’une documentation conséquente, avec un bon équilibre entre théorie, exercices et échanges entre professionnels de différentes métiers et services autour de nos questions et situations de soin vécues.

Jura – Juillet 2021

Une fois vous même déterminé à vous lancer dans une formation à l’hypnose, comment convaincre un encadrement ou des financeurs un peu rétifs ? Voici quelques arguments :

Les outils de l’hypnose sont malléables, adaptables à la grande majorité des situations et des patients, ne demandent ni matériel ni environnement particulier. Les techniques de communication thérapeutique (qu’on peut trouver aussi sous le terme « d’hypnose conversationnelle ») sont utilisables n’importe quand et avec n’importe qui, peu importe le temps que vous avez à consacrer à l’échange avec vos patients. Une fois intégrées, elles modifient votre façon d’interagir avec le patient et la formulation de votre discours, qui ont tous les deux un impact sur le vécu du patient, sa compréhension du soin dont il va bénéficier ou auquel il va participer, et donc sur son acceptation, son implication et sur la tonalité sensorielle et émotionnelle de son expérience de soigné. Et dans certaines cliniques où ces problématiques sont centrales et dont peuvent découler des comportements qui s’opposent au bon déroulement du soin et feront vivre un calvaire à tout le monde (je pense à la pédiatrie et à la gériatrie, ou stress, appréhension, envahissement psychique par la peur ou la douleur, difficultés de compréhension et de régulation émotionnels sont ultra courantes…), c’est vraiment précieux. Se former à l’hypnose, c’est donc prendre un certain recul sur cette relation spécifique forcément asymétrique entre soignant et soigné et sur ce qui peut être émotionnellement induit par la situation de soin, par notre discours et nos attitudes. En effet, être douloureux ou anxieux, en proie à un sentiment de vulnérabilité et en attente de soulagement, s’accompagne bien souvent d’une hyperfocalisation sur soi-même ou sur certaines parties du corps : Antoine Bioy et ses co-auteurs assimilent cela à un état de « transe hypnotique physiologique »[7]… qui rend d’autant plus suggestible (nous reverrons cette notion dans la partie suivante) le patient et peut considérablement moduler l’impact de nos mots et nos comportements de soignants, pour le meilleur comme pour le pire. Il s’agit pour moi d’une connaissance essentielle du fonctionnement d’une relation thérapeutique, à l’heure où la libération de la parole autour des violences et maltraitances médicales et institutionnelles somme les professionnels de santé de se remettre en question et à une époque où, plus que jamais, la parole médicale et soignante est mise sous le feu des projecteurs et influence les représentations autour du corps, de la santé et les choix de chacun.

On le verra dans la partie suivante, l’hypnose présente dans certaines indications de réels avantages thérapeutiques, et son introduction dans certains services et protocoles peut faire l’objet de projets d’équipe et de recherche. De plus, un patient qui aura pu apprendre à transformer ses symptômes, son vécu, sa représentation de ceux-ci et de lui-même, et qui se sera approprié des outils auxquels il pourra recourir de façon autonome est un patient qui aura moins besoin du système de soin…

Enfin, c’est aussi acquérir quelques exercices à pratiquer juste pour son propre apaisement ou son propre besoin émotionnel du moment … coucou les débuts de céphalée contrôlés ou le coup de pompe de retour du travail alors que j’aimerais bien terminer un article sans avoir à faire une sieste et prendre le risque de ne jamais m’y mettre, dépassés avec quelques minutes d’auto-hypnose ;-)…

Et ça aussi, pour des soignants, c’est très précieux.

Jura – Juillet 2021

Bibliographie :

[10]Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose. Juliette Gueguen, Caroline Barry, Christine Hassler, Bruno Falissard, avec l’expertise critique d’Arnaud Fauconnier et Elisabeth Fournier-Charrière. Inserm. Juin 2015.

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